Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Risler ! es-tu là ?… est-ce que tu dors ? Rien ne répondait. Il ouvrit la porte.

La chambre était froide. On sentait que, par la fenêtre ouverte, l’humidité du dehors l’avait envahie toute la nuit. Au premier coup d’œil jeté sur le lit, Planus pensa. « Il ne s’est pas couché… » En effet la couverture était intacte, et dans la chambre, une veillée pleine d’agitation se révélait aux moindres détails, à la lampe encore fumante et qu’on avait négligé d’éteindre, à la carafe entièrement vidée dans une fièvre d’insomnie ; mais ce qui terrifia le caissier, ce fut de trouver grand ouvert le tiroir de commode où il avait soigneusement déposé la lettre et le paquet confiés à lui par son ami.

La lettre n’était plus là. Le paquet déplié, resté sur la table, laissait voir une photographie, le portrait de Sidonie à quinze ans. Avec sa robe à guimpe, ses cheveux mutins, séparés au front, sa pose embarrassée de fillette encore gauche, la petite Chèbe d’autrefois, l’apprentie de mademoiselle Le Mire, ne ressemblait guère à la Sidonie de maintenant. Et c’est justement pour cela que Risler avait gardé cette photographie, comme un souvenir, non pas de sa femme, mais de la « petite ».

Sigismond était consterné.

– C’est ma faute, se disait-il… j’aurais dû retirer les clefs… Mais qui se serait douté qu’il y pensait encore ?… Il m’avait tant juré que cette femme n’existait plus pour lui.

À ce moment mademoiselle Planus entra, le visage bouleversé.