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lampe du caissier allumée bien avant dans la soirée, et les longues après-midi du dimanche, les ateliers fermés, la cheminée éteinte, ce grand silence qui rapprochait d’elle les jeux de mademoiselle Claire, courant dans le jardin avec son cousin Georges. Par Risler, elle avait des détails.

– Montre-moi les fenêtres du salon, lui disait-elle… et la chambre de Claire ?…

Risler, enchanté de cette sympathie extraordinaire pour sa chère fabrique, expliquait de là-haut à l’enfant la disposition des bâtiments, lui indiquait les ateliers d’impression, de dorure, de fonçage, la salle de dessin où il travaillait, celle des machines à vapeur d’où montait cette immense cheminée qui noircissait tous les murs environnants de sa fumée active, et ne se doutait certes pas qu’une petite vie cachée sous un toit voisin mêlait ses pensées les plus intimes à son grand halètement de travailleuse infatigable.

Un jour enfin Sidonie pénétra dans ce paradis entrevu. Madame Fromont, à qui Risler parlait souvent de la gentillesse, de l’intelligence de sa petite voisine, le pria de l’amener au bal d’enfants qu’elle préparait pour Noël. D’abord M. Chèbe répondit par un refus très sec, Déjà, dans ce temps-là, ces Fromont, dont Risler avait toujours le nom à la bouche, l’agaçaient, l’humiliaient par leur fortune. D’ailleurs il s’agissait d’un bal travesti, et M. Chèbe – qui ne vendait pas de papiers peints, lui ! – n’avait pas les moyens d’habiller sa fille en sauteuse. Mais Risler insista, déclara qu’il se chargeait