Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

Puis la musique cessa, le jardin devint désert. La lumière attardée aux angles remonta vers les toits, mit ses derniers rayons aux vitres les plus hautes, suivie par les oiseaux, les hirondelles qui, de la gouttière où elles se serraient les unes contre les autres, saluèrent d’un dernier gazouillement le jour qui finissait.

– Voyons… Où allons-nous ? dit Planus en sortant du restaurant.

– Où tu voudras…

Il y avait là tout près, à un premier étage de la rue Montpensier, un café chantant où on voyait entrer beaucoup de monde.

– Si nous montions ?… demanda Planus, qui voulait dissiper à tout prix la tristesse de son ami…, la bière est excellente.

Risler se laissa entraîner, depuis six mois il n’avait pas bu de bière… C’était un ancien restaurant transformé en salle de concert. Trois grandes pièces, dont on avait abattu les cloisons, se suivaient, soutenues et séparées par des colonnes dorées, une décoration mauresque, rouge vif, bleu tendre, avec de petits croissants et des turbans roulés en ornement.

Quoiqu’il fût encore de bonne heure, tout était plein, et l’on étouffait, même avant d’entrer, rien qu’en voyant cet entassement de gens assis autour des tables, et tout au fond, à demi cachées par la suite des colonnes, ces femmes empilées sur une estrade, parées de blanc, dans la chaleur et l’éblouissement du gaz.

Nos deux amis eurent beaucoup de peine à se caser,