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tiédeur de cette petite main dans la sienne avait un effet magnétique d’adoucissement sur son âme ulcérée.

On pardonne mais on n’oublie pas !…

La pauvre Claire en savait quelque chose, elle aussi ; car elle n’avait rien oublié, malgré son grand courage et l’idée qu’elle se faisait de son devoir. Pour elle comme pour Risler, le milieu où elle vivait était un rappel constant de ses souffrances. Sans pitié, les objets qui l’entouraient rouvraient sa blessure prête à se fermer. L’escalier, le jardin, la cour, tous ces témoins, ces complices muets de l’adultère, avaient à certains jours une physionomie implacable. Les soins mêmes, les précautions que prenait son mari pour lui épargner de pénibles souvenirs, l’affectation qu’il mettait à ne plus sortir le soir, à raconter les courses qu’il avait faites, ne servaient qu’à mieux lui rappeler la faute. Elle avait quelquefois envie de lui demander grâce, de lui dire : « N’en fais pas trop… » La foi était brisée en elle, et l’horrible souffrance du prêtre qui doute et veut pourtant rester fidèle à ses vœux, se trahissait dans son sourire amer, sa douceur froide et sans plaintes.

Georges était très malheureux. Il aimait sa femme maintenant. La grandeur de sa nature l’avait vaincu. Il y avait de l’admiration dans cet amour, et pourquoi ne pas le dire ! le chagrin de Claire lui tenait lieu d’une coquetterie qui n’était pas dans son caractère, et qui lui avait toujours manqué aux yeux de son mari Il était de ce singulier type d’hommes qui aiment à faire des conquêtes. Sidonie, capricieuse et froide, répondait à ce travers de cœur. Après l’avoir quittée sur un adieu