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sentiments au calme bourgeois d’une conversation d’intérêts et d’affaires.

Risler affectait de ne pas le regarder et continuait de marcher à grands pas, tout en parlant :

– … Notre maison passe par une crise effrayante… Nous avons évité la catastrophe aujourd’hui, seulement, ce n’est pas la dernière échéance… Cette maudite invention m’a depuis longtemps détourné des affaires. Heureusement me voilà libre et je vais pouvoir m’en occuper. Mais il faudra que vous vous en occupiez, vous aussi. Les ouvriers, les employés ont un peu suivi l’exemple des patrons. Il y a une négligence, un laisser-aller extrêmes. Ce matin, pour la première fois depuis un an, on s’est mis à l’ouvrage à l’heure juste. Je compte que vous allez régulariser tout cela. Quant à moi, je vais me remettre à mes dessins. Nos modèles ont vieilli. Il en faut de nouveaux pour les nouvelles machines. J’ai une grande confiance en nos Imprimeuses. Les expériences ont réussi au delà de mes désirs. Nous tenons là certainement de quoi relever notre commerce. Je ne l’ai pas dit plus tôt, parce que je voulais vous surprendre ; mais maintenant nous n’avons plus aucune surprise à nous faire. N’est-ce pas, Georges ?

Sa voix eut une expression d’ironie si déchirante, que Claire frémit, craignant un éclat ; mais il reprit très naturellement :

– Oui, je crois pouvoir assurer que dans six mois l’Imprimeuse Risler commencera à donner des résultats magnifiques. Seulement ces six mois-là seront durs à