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d’Asnières avec tout ce qu’elle contenait, mais comme il fallait le temps d’enregistrer l’acte de vente, Planus et sa sœur ont avancé la somme…

Elle se détournait de lui en parlant. Lui, de son côté, baissait la tête pour éviter son regard.

– Risler est un honnête homme, continua-t-elle, et quand il a su de qui sa femme tenait tout son luxe…

– Comment, dit Georges épouvanté. Il sait ?…

– Tout… répondit Claire en baissant la voix.

Le malheureux pâlit, balbutia quelques mots.

– Mais alors… toi ?

– Oh ! moi, je savais tout, avant Risler. Hier en rentrant, rappelle-toi, je t’ai dit que là-bas, à Savigny, j’avais entendu des choses bien cruelles et que j’aurais donné dix ans de ma vie pour n’avoir pas fait ce voyage.

– Claire !

Il eut un grand élan de tendresse, fit un pas pour se rapprocher de sa femme ; mais elle avait un visage si froid, si tristement résolu, son désespoir était si bien écrit en austère indifférence sur toute sa personne qu’il n’osa pas la prendre sur son cœur comme il en avait envie, et murmura seulement tout bas :

– Pardon !… Pardon !…

– Tu dois me trouver bien calme, dit la courageuse femme ; c’est que j’ai pleuré toutes mes larmes hier. Tu as pu croire que c’était sur notre ruine, tu te trompais. Tant qu’on est jeune et fort comme nous sommes, ces lâchetés-là ne sont pas permises. Nous sommes armés contre la misère, et nous pouvons la combattre en