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scène rapide eût dérangé les invités, alors dans toute l’animation de la soirée. En voyant son mari debout devant le secrétaire, les tiroirs ouverts, enfoncés, renversés sur le tapis avec les mille riens qu’ils contenaient, elle comprit qu’il se passait quelque chose de terrible.

– Venez vite, dit Risler, je sais tout.

Elle voulut prendre sa figure innocente et hautaine ; mais il la saisit par le bras d’une violence telle, que le mot de Frantz lui revint à l’esprit : « Il en mourra peut-être, mais il vous tuera avant… » Comme elle avait peur de la mort, elle se laissa emmener sans résistance, et n’eut pas même la force de mentir.

– Où allons-nous ? demanda-t-elle à voix basse.

Risler ne lui répondit pas. Elle n’eut que le temps de jeter sur ses épaules nues, avec ce soin d’elle-même qui ne la quittait jamais, un voile de tulle léger ; et il l’entraîna, la poussa plutôt dans l’escalier de la caisse, qu’il descendit en même temps qu’elle, ses pas dans les siens, craignant de voir sa proie lui échapper.

– Voilà, dit-il en entrant… Nous avons volé, nous restituons… Tiens, Planus, il y a de quoi faire de l’argent avec tout ça…

Et il posait sur le bureau du caissier toute cette dépouille élégante dont ses bras étaient chargés, recherches féminines, menus objets de coquetterie, paperasses timbrées.

Puis se tournant vers sa femme :

– Maintenant, vos bijoux… Allons, vite…

Elle allait lentement, ouvrait à regret le ressort des