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cela ne faisait que l’affermir dans ses résolutions.

En une minute, toute la maison fut occupée aux préparatifs de ce départ si prompt, si imprévu. Claire pressait les gens bouleversés, habillait sa mère et l’enfant rieuse dans tout ce train. Elle voulait partir avant le retour de Georges, pour qu’en arrivant il trouvât le berceau vide et la maison déserte. Où irait-elle ? elle n’en savait rien encore. Peut-être chez une tante à Orléans, peut-être à Savigny, n’importe où. Ce qu’il fallait avant tout, c’était partir, fuir ce milieu de trahisons et de mensonges.

En ce moment elle était dans sa chambre à faire une malle, à entasser des effets. Navrante occupation. Chaque objet qu’elle déplaçait remuait en elle des mondes de pensées, de souvenirs. Il y a tant de nous-mêmes dans tout ce qui nous sert. Quelquefois le parfum d’un sachet, le dessin d’une dentelle suffisait pour lui faire venir des larmes Tout à coup, un pas lourd retentit dans le salon dont la porte était entr’ouverte ; puis, on toussa légèrement comme pour avertir qu’il y avait quelqu’un là. Elle crut que c’était Risler ; car lui seul avait le droit d’entrer chez elle avec cette familiarité. L’idée de se retrouver devant ce visage hypocrite, ce sourire menteur l’écœurait tellement qu’elle se précipita pour fermer la porte.

– Je n’y suis pour personne.

La porte résista, et la tête carrée de Sigismond parut dans l’entre-bâillement.

– C’est moi, madame, dit-il tout bas. Je viens chercher l’argent.