Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi implacable, et profita de son humiliation pour l’humilier encore davantage, car il était de cette race de bons campagnards qui, lorsque l’ennemi est tombé, ne le quittent jamais sans lui laisser les clous de leurs souliers marqués sur la figure.

– Tout ce que je peux te dire, petite, c’est que Savigny vous est ouvert… Que ton mari vienne ici. J’ai justement besoin d’un secrétaire. Eh bien, Georges tiendra mes écritures avec douze cents francs par an et la pâtée à tout le monde… Offre-lui cela de ma part, et arrivez…

Elle se leva indignée. Elle était venue comme sa fille et il la recevait comme une mendiante. Dieu merci ! ils n’en étaient pas encore là.

– Tu crois ? fit M. Gardinois avec un petit clignotement d’yeux féroce.

Frémissante, Claire marcha vers la porte, sans répondre. Le vieux la retint d’un geste.

– Prends garde, tu ne sais pas ce que tu refuses… C’est dans ton intérêt, tu m’entends bien, que je te proposais de faire venir ton mari ici… Tu ne sais pas la vie qu’il mène là-bas… Tu ne le sais pas, bien sûr, sans cela tu ne viendrais pas me demander mon argent pour qu’il passe où a passé le tien… Ah ! c’est que je suis au courant, moi, des affaires de ton homme. J’ai ma police à Paris et même à Asnières, comme à Savigny… Je sais ce qu’il fait de ses nuits et de ses journées, ce paroissien-là ; et je ne veux pas que mes écus aillent dans les endroits où il va. Ça n’est pas assez propre pour de l’argent honorablement gagné.