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son mauvais petit sourire, elle lui avait signifié qu’elle ne reconnaissait à personne le droit de juger ou de gêner ses actions, qu’elle était libre, qu’elle entendait bien rester libre et n’être pas plus tyrannisée par lui que par Risler Ils avaient passé une heure ainsi, en voiture, les stores baissés, à se disputer, à s’injurier, presque à se battre…

Et dire qu’à cette femme il avait tout sacrifié, sa fortune, son honneur, jusqu’à cette charmante Claire, endormie avec l’enfant dans la chambre à côté, tout un bonheur à portée de sa main, qu’il avait dédaigné pour cette gueuse !… Maintenant elle venait lui avouer qu’elle ne l’aimait plus, qu’elle en aimait un autre. Et lui, le lâche, il en voulait encore. Qu’est-ce qu’elle lui avait donc fait boire ?

Soulevé par l’indignation qui bouillonnait dans tout son être, Georges Fromont s’était arraché de son fauteuil, marchait fébrilement par la chambre, et son pas résonnait dans le silence de la maison muette, comme une vivante insomnie… L’autre dormait là-haut. Elle donnait avec le privilège de sa nature inconsciente et sans remords. Peut-être aussi pensait-elle à son Cazaboni.

Quand cette idée lui traversait l’esprit, Georges avait des tentations folles de monter, de réveiller Risler, de tout lui dire et de se perdre avec elle. Il était aussi trop bête, ce mari trompé ! Comment ne la surveillait-il pas davantage ? Elle était assez jolie, surtout assez vicieuse pour qu’on prit des précautions. Et c’est pendant qu’il se débattait au milieu de ces