Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

les occasions de manifestations extérieures : bals, concerts, repas de corps, enterrements.

Bien que l’illustre Delobelle ne fût plus au théâtre, que son nom eût entièrement disparu des comptes rendus et des affiches depuis plus de quinze ans, il suffit d’une petite note de deux lignes dans un obscur journal de théâtre : M. Delobelle, ancien premier sujet des théâtres de Metz et d’Alençon, vient d’avoir la douleur,… etc. On se réunira,… etc. Aussitôt, de tous les coins de Paris et de la banlieue, les comédiens accoururent en foule à cet appel.

Fameux ou non fameux, inconnus ou célèbres, ils y étaient tous, ceux qui avaient joué avec Delobelle en province, ceux qui le rencontraient dans les cafés de théâtre où il était comme ces visages toujours aperçus sur lesquels il est difficile de mettre un nom, mais que l’on se rappelle à cause du milieu où on les voit constamment et dont ils semblent faire partie, puis aussi des acteurs de province, de passage à Paris, qui venaient là pour « lever » un directeur, trouver un bon engagement.

Et tous, les obscurs et les illustres, les Parisiens et les provinciaux, n’ayant qu’une préoccupation, voir leur nom cité par quelque journal dans un compte rendu de l’enterrement. Car à ces êtres de vanité tous les genres de publicité semblent enviables. Ils ont tellement peur que le public les oublie, qu’au moment où ils ne se montrent pas, ils éprouvent le besoin de faire parler d’eux, de se rappeler par tous les moyens au souvenir de la vogue parisienne si flottante et si rapide.