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mêmes de la mort. S’il avait regardé sous l’oreiller de Désirée, il y aurait trouvé une lettre timbrée du Caire, qui était le secret de ce changement bienheureux. Quatre pages signées de Frantz, toute sa conduite expliquée et confessée à sa chère petite Zizi.

C’était bien la lettre rêvée par la malade. Elle l’aurait dictée elle-même que tous les mots qui devaient toucher son cœur, toutes les excuses délicates qui devaient panser ses blessures, n’auraient pas été si complètement exprimés. Frantz se repentait, demandait pardon, et, sans rien lui promettre, sans rien lui demander surtout, racontait à sa fidèle amie ses luttes, ses remords, ses souffrances. Il s’indignait contre Sidonie, suppliait Désirée de se méfier d’elle, et, avec un ressentiment que l’ancienne passion faisait clairvoyant et terrible, il lui parlait de cette nature à la fois perverse et superficielle, de cette voix blanche bien faite pour mentir et qui n’était jamais trahie par un accent du cœur, car elle venait de la tête comme tous les élans passionnés de cette poupée parisienne.

Quel malheur que cette lettre ne fût pas arrivée quelques jours plus tôt ! Maintenant toutes ces bonnes paroles étaient pour Désirée, comme ces mets délicieux qu’on apporte trop tard à un mourant de faim. Il les respire, les envie, mais n’a plus la force d’y goûter. Toute la journée, la malade relut sa lettre. Elle la tirait de l’enveloppe, la repliait ensuite amoureusement, et les yeux fermés la voyait encore tout entière jusqu’à la couleur du timbre. Frantz avait pensé à elle ! Rien que cela lui procurait un calme suave où elle finit par s’endormir