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chaussée en pente. Chacune en arrivant avait l’air de dire : « C’est moi… me voilà… » Mais ce n’était jamais Sidonie qui descendait, et cette voiture qu’il avait regardée venir de loin, le cœur gonflé d’espoir comme si elle eût contenu plus que sa vie, il la voyait s’en retourner vers Paris, banalement légère et vide.

L’heure du départ approchait. Il regarda au cadran, il n’y avait plus qu’un quart d’heure. Cela lui parut effrayant ; mais la cloche du guichet qu’on venait d’ouvrir, l’appelait. Il y courut, et prit son rang dans la longue file.

– Deux premières pour Marseille, demanda-t-il. Il lui semblait que c’était déjà une prise de possession.

Parmi les brouettes chargées de colis, les gens en retard qui se bousculaient, il retourna à son poste d’observation. Les cochers lui criaient : « Gare ! » Il restait sur le passage des roues, sous le pied des chevaux, l’oreille assourdie, les yeux grands ouverts. Plus que cinq minutes. Il était presque impossible qu’elle arrivât à temps. On se précipitait pour entrer dans les salles intérieures. Les malles roulaient aux bagages ; et les gros paquets enveloppés de linge, les valises à clous de cuivre, les petits sacs en sautoir des commis-voyageurs, les paniers de toutes grandeurs, s’engouffraient à la même porte, secoués, balancés, avec la même hâte.

Enfin elle apparut…

Oui, la voilà, c’est bien elle, une femme en noir, mince, élancée, accompagnée d’une autre plus petite,