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Sidonie qui chantait. Tout à coup celle-ci s’interrompit au milieu de sa romance et partit d’un éclat de rire. Dix heures venaient de sonner. Risler leva le nez vivement :

– Qu’est-ce qui te fait rire ?

– Rien… une idée, répondit Sidonie, en montrant la pendule à madame Dobson d’un petit clignement d’yeux.

C’était l’heure indiquée pour le rendez-vous, et elle pensait aux tourments de son amoureux en train de l’attendre.

Depuis le retour du messager qui avait apporté à Frantz le « oui. » de Sidonie, si fiévreusement attendu, il s’était fait un grand calme dans son esprit troublé, et comme une détente subite. Plus d’incertitudes, plus de tiraillements entre la passion et le devoir. Instantanément il se sentit allégé, comme s’il n’avait plus de conscience. Avec le plus grand calme, il fit ses préparatifs, roula ses malles sur le carreau, vida la commode et les armoires, et bien longtemps avant l’heure qu’il avait fixée pour qu’on vint chercher ses bagages, il était assis sur une caisse au milieu de sa chambre, regardant devant lui la carte géographique clouée au mur, comme un emblème de sa vie errante, suivant de l’œil la ligne droite des routes et ce trait ondé comme une vague qui figure les océans.

Pas une fois la pensée ne lui vint que de l’autre côté du palier quelqu’un pleurait et soupirait à cause de lui. Pas une fois il ne songea au désespoir de son frère, au