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Quand Sidonie lui eut montré le billet de Frantz, madame Dobson demanda :

– Que vas-tu répondre ?

– C’est fait. J’ai répondu oui.

– Comment ! tu partirais avec ce fou ?

Sidonie se mit à rire.

– Ah ! mais non, par exemple. J’ai dit oui, pour qu’il aille m’attendre à la gare. Voilà tout. C’est bien le moins que je lui donne un quart d’heure d’angoisse. Il m’a rendue assez malheureuse depuis un mois. Pense que j’ai changé toute ma vie pour ce monsieur. J’ai dû renoncer à recevoir, fermer ma porte à mes amis, à tout ce que je connais de jeune et d’aimable, à commencer par Georges et à finir par toi. Car tu sais, ma chérie, tu lui déplaisais toi aussi, et il aurait voulu te renvoyer comme les autres.

Ce que Sidonie ne disait pas, et sa raison la plus forte d’en vouloir à Frantz, c’est qu’il lui avait fait très peur en la menaçant de son mari. À partir de ce moment, elle s’était sentie toute mal à son aise, et sa vie, sa chère vie qu’elle choyait tant, lui avait semblé sérieusement exposée. Ces hommes trop blonds et froids d’aspect, comme Risler, ont des colères terribles, des colères blanches dont on ne peut calculer les résultats, comme ces poudres explosibles sans couleur ni saveur, que l’on craint d’employer parce qu’on n’en connaît pas la puissance. Positivement l’idée qu’un jour ou l’autre son mari pouvait être prévenu de sa conduite l’épouvantait.

De son existence d’autrefois, existence pauvre dans