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Quelque chose l’avertissait que c’était pour lui, pour lui seul que cette femme venait, qu’elle voulait le revoir, l’empêcher d’être à une autre, et le malheureux s’apercevait avec terreur qu’elle n’aurait pas grand effort à faire pour cela. Rien qu’en la voyant entrer, tout son cœur avait été repris.

Désirée ne se doutait de rien, elle. Sidonie avait l’air si franc, si amical. Et puis, maintenant, ils étaient frère et sœur. Il n’y avait plus d’amour possible entre eux.

Pourtant, la petite boiteuse eut un vague pressentiment de son malheur, lorsque Sidonie, déjà sur la porte et prête à partir, se tourna négligemment pour dire à son beau-frère.

– À propos, Frantz, je suis chargée par Risler de vous emmener dîner ce soir avec nous… La voiture est en bas… Nous allons le prendre en passant à la fabrique.

Puis, avec le plus joli sourire du monde :

– Tu veux bien nous le laisser, n’est-ce pas, Zirée ? Sois tranquille, nous te le rendrons.

Et il eut le courage de s’en aller, l’ingrat ! Il partit sans hésiter, sans se retourner une fois, emporté par sa passion comme par une mer furieuse, et ce jour-là ni les jours suivants, ni plus jamais dans la suite, le grand fauteuil de mam’zelle Zizi ne put savoir ce que la petite chaise basse avait de si intéressant à lui dire.