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et dont les toits hauts, les fenêtres à balcons de fer, les cheminées de fabrique, tranchant du rouge de leurs briques neuves sur les murs noirs des hôtels historiques, lui faisaient un horizon toujours pareil et suffisant. Depuis longtemps elle ne connaissait plus en fait de fleurs que les volubilis de sa croisée, en fait d’arbres que les acacias de l’usine Fromont entrevus de loin dans la fumée.

Aussi quelle joie gonfla son cœur, quand elle se trouva en pleine campagne. Légère de tout son plaisir et de sa jeunesse ranimée, elle allait d’étonnement en étonnement, battant des mains, poussant de petits cris d’oiseau ; et les élans de sa curiosité naïve dissimulaient l’hésitation de sa démarche. Positivement, ça ne se voyait pas trop. D’ailleurs Frantz était toujours là, prêt à la soutenir, à lui donner la main pour franchir les fossés, et si empressé, les yeux si tendres. Cette merveilleuse journée passa comme une vision. Le grand ciel bleu flottant vaporeusement entre les branches, ces horizons de sous-bois, qui s’étendent aux pieds des arbres, abrités et mystérieux, où les fleurs poussent plus droites et plus hautes, où les mousses dorées semblent des rayons de soleil au tronc des chênes, la surprise lumineuse des clairières, tout, jusqu’à la lassitude d’une journée de marche au grand air, la ravit et la charma.

Vers le soir, quand, à la lisière de la forêt, elle vit, sous le jour qui tombait, les routes blanches éparses dans la campagne, la rivière comme un galon d’argent, et là-bas, dans l’écart des deux collines, un