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belle créature, jeune, heureuse, qui parlait de mourir avec un tel abandon d’elle-même.

– Vous l’aimez donc bien ? lui dit-il d’une voix déjà vaguement radoucie… Vous l’aimez donc bien, ce Fromont, que vous préférez mourir que de renoncer à lui ?

Elle se redressa vivement.

– Moi ? aimer ce gandin, ce chiffon, cette fille niaise habillée en homme ?… Allons donc !… J’ai pris celui-là comme j’en aurais pris un autre…

– Pourquoi ?

– Parce qu’il le fallait, parce que j’étais folle, parce que j’avais dans le cœur et que j’y ai encore un amour criminel que je veux arracher, n’importe à quel prix.

Elle s’était levée et lui parlait les yeux dans les yeux, la bouche près de la sienne, frémissante de tout son être.

Un amour criminel !… Qui aimait-elle donc ?

Frantz avait peur de la questionner. Sans se douter de rien encore, il comprenait que ce regard, ce souffle, penchés vers lui, allaient lui révéler quelque chose de terrible. Mais sa fonction de justicier l’obligeait à tout savoir.

– Qui est-ce ?… demanda-t-il.

Elle répondit d’une voix sourde :

– Vous savez bien que c’est vous.

Elle était la femme de son frère.

Depuis deux ans, il n’avait jamais plus pensé à elle que comme à une sœur. Pour lui, la femme de son frère ne