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avec cette invincible logique qui pousse souvent aux plus sots, il pensait que, trompant lui-même, peut-être méritait-il d’être trompé. Triste vie en somme que la sienne. Il passait son temps à courir les bijoutiers, les marchands d’étoffes, à lui inventer des cadeaux, des surprises. C’est qu’il la connaissait bien, allez ! Il savait qu’on pouvait l’amuser avec des bijoux, non la retenir, et que le jour où elle s’ennuierait…

Sidonie ne s’ennuyait pas encore. Elle avait l’existence qu’il lui fallait, tout le bonheur qu’elle pouvait atteindre. Son amour pour Georges n’avait rien d’enflammant ni de romanesque. Il était pour elle comme un second mari plus jeune et surtout plus riche que l’autre. Pour achever d’embourgeoiser leur adultère, elle avait attiré ses parents à Asnières, les logeait dans une petite maison tout au bout du pays et de ce père vaniteux et volontairement aveugle, de cette mère tendre et toujours éblouie, elle se faisait un entourage d’honorabilité dont elle sentait le besoin à mesure qu’elle se perdait davantage.

Tout était bien arrangé dans cette petite tête perverse qui raisonnait froidement le vice ; et il semblait que sa vie dût continuer ainsi tranquillement, quand Frantz Risler arriva tout à coup.

Rien qu’à le voir entrer, elle avait compris que son repos était menacé, qu’il allait se passer entre eux quelque chose de très grave.

À la minute son plan fut fait. Maintenant il s’agissait de le mettre en œuvre. Le pavillon où ils venaient d’entrer, une grande pièce