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ses trémolos en sourdine, pareils à ceux qui accompagnent au théâtre les situations critiques.

Le fait est que celle-là était assez tendue. Seulement la bonne humeur de Risler chassait toute contrainte. Il s’excusait auprès de son associé de ne s’être pas trouvé là, voulait montrer la maison à Frantz. On alla du salon à l’écurie, de l’écurie aux offices, aux remises, à la serre. Tout était neuf, brillant, luisant, trop petit, incommode.

– Mais, disait Risler avec une certaine fierté, il y en a pour beaucoup d’argent !

Il tenait à faire admirer l’acquisition de Sidonie dans ses moindres détails, montrait le gaz et l’eau arrivant à tous les étages, les sonnettes perfectionnées, les meubles du jardin, le billard anglais, l’hydrothérapie, et tout cela avec des élans de reconnaissance à l’adresse de Fromont jeune qui, en l’associant à sa maison, lui avait positivement mis dans la main une fortune. À chaque nouvelle effusion de Risler, Georges Fromont se dérobait honteux et gêné sous le regard singulier de Frantz.

Le déjeuner manqua d’entrain. Madame Dobson parlait presque toute seule, heureuse de nager en pleine intrigue romanesque. Connaissant, ou plutôt croyant connaître à fond l’histoire de son amie, elle comprenait la colère sourde de Frantz, un ancien amoureux furieux de se voir remplacé, l’inquiétude de Georges troublé par l’apparition d’un rival, encourageait l’un d’un regard, consolait l’autre d’un sourire, admirait la tranquillité de Sidonie, et réservait