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au grand train de ses roues fragiles et de ses postillons d’emprunt. Tout cela plaisait à cette enragée Parisienne de Sidonie ; puis, dans son enfance, la petite Chèbe avait beaucoup entendu parler d’Asnières par l’illustre Delobelle, qui aurait voulu avoir dans ces parages, comme tant d’autres comédiens, une maisonnette, un coin de campagne où l’on rentre par les trains de minuit et demi, après la sortie des théâtres.

Tous les rêves de la petite Chèbe, Sidonie Risler les réalisait. Les deux frères arrivèrent près de la porte du quai, où la clef restait d’habitude. Ils entrèrent, traversant des massifs encore jeunes. Çà et là une salle de billard, la maison du jardinier, une petite serre vitrée apparaissaient comme les différentes parties de ces chalets suisses qu’on donne en jeu aux enfants ; le tout très léger, à peine planté au sol, prêt à s’envoler au moindre vent de faillite ou de caprice : une villa de cocotte ou de boursier.

Frantz regardait autour de lui, un peu ébloui. Au fond, sur un perron entouré de vases fleuris, le salon ouvrait ses hautes persiennes. Un fauteuil américain, des pliants, une petite table où le café était encore servi, s’étalaient auprès de la porte. À l’intérieur, on entendait des accords plaqués au piano, et un murmure de voix assourdies.

– C’est Sidonie qui va être étonnée, disait le bon Risler en marchant doucement sur le sable, elle ne m’attend pas avant ce soir… En ce moment, elle fait de la musique avec madame Dobson.