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Le comédien donna un grand coup de poing furieux sur la table :

– Eh ! c’est bien le tort que vous avez… Il faut en vouloir aux gens qui ne cherchent qu’à vous blesser, à vous humilier.

Il avait encore sur le cœur les fonds refusés à son projet de théâtre, et d’ailleurs, ne cachait pas sa rancune :

– Si tu savais, disait-il à Frantz, si tu savais quel gaspillage il y a là-dedans. C’est une pitié… Et rien de solide, rien d’intelligent. Moi qui te parle, j’ai demandé à ton frère une petite somme pour me faire un avenir et lui assurer à lui des bénéfices considérables. Il m’a refusé net…, Parbleu ! madame est bien trop exigeante. Elle monte à cheval, va aux courses en voiture et vous mène son mari du même train que son petit panier sur le quai d’Asnières… Entre nous, je ne le crois pas bien heureux, ce brave Risler… Cette petite femme-là lui en fait voir de toutes les couleurs…

L’ex-comédien termina sa tirade par un clignotement d’yeux à l’adresse du comique et du financier, et pendant un moment il y eut entre eux un échange de mines, de grimaces convenues, des « hé ! hé ! » des « hum ! hum ! » toute la pantomime des sous-entendus.

Frantz était atterré. Malgré lui, l’horrible certitude lui arrivait de tous côtés, Sigismond avait parlé avec sa nature, Delobelle avec la sienne. Le résultat était le même. Heureusement le dîner finissait. Les trois acteurs se