Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

vie ! Ce qui inquiétait surtout le brave Sigismond, c’était la retenue de Fromont jeune. Depuis quelque temps, il ne prenait presque plus d’argent à la caisse, et pourtant Sidonie dépensait plus que jamais.

– Chai bas gonfianze !… disait le malheureux caissier en remuant la tête… chai bas gonfianze…

Puis, baissant la voix, il ajoutait :

– Mais ton frère, mon petit Frantz, ton frère ?… Qui nous l’expliquera ? Il s’en va dans tout cela les yeux en l’air, les mains dans les poches, l’idée à sa fameuse invention qui malheureusement ne sort pas vite… Tiens ! veux-tu que je te dise ? C’est un coquin ou c’est une bête.

Tout en parlant ils se promenaient de long en large dans le petit jardin, s’arrêtaient, reprenaient leur marche. Frantz croyait vivre dans un mauvais rêve La rapidité du voyage, ce changement brusque de lieu et de climat, le flot de paroles de Sigismond qui n’arrêtait pas, l’idée nouvelle qu’il fallait se faire de Risler et de Sidonie, cette Sidonie qu’il avait tant aimée, toutes ces choses l’étourdissaient, le rendaient comme fou.

Il était tard. La nuit venait, Sigismond lui proposa de l’emmener coucher à Montrouge ; il refusa, prétextant la fatigue, et, resté seul dans le Marais, à cette heure douteuse et triste du jour qui finit et du gaz qu’on n’a pas encore allumé, il alla machinalement vers son ancien logis de la rue de Braque.

À la porte de l’allée, un écriteau était pendu : Chambre de garçon à louer.

C’était justement la chambre où il avait vécu si longtemps