Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/181

Cette page n’a pas encore été corrigée

celle qu’il aimait a refusé de l’épouser pour devenir, six mois après, la femme de son frère ; deux coups terribles l’un après l’autre, et le second encore plus douloureux que le premier. Il est vrai qu’avant de faire ce mariage Risler aîné lui a écrit pour lui demander la permission d’être heureux, et cela dans des termes si touchants, si tendres, que la violence du coup porté en a été un peu atténuée ; puis, à la fin, le dépaysement, le travail, les longues courses sont venus à bout de son chagrin. Il ne lui en est resté qu’un grand fond de mélancolie. À moins cependant que cette haine, cette colère qu’il ressent en ce moment contre la femme qui déshonore son frère, ne soit encore quelque chose de son ancien amour.

Mais non ! Frantz Risler ne pense qu’à venger l’honneur des Risler. Ce n’est pas en amant, c’est en justicier qu’il arrive ; et Sidonie n’a qu’à bien se tenir.

Tout d’abord, en descendant de wagon, le justicier était allé droit à la fabrique, comptant sur la surprise, l’imprévu de son arrivée pour lui révéler ce qui se passait, d’un coup d’œil. Malheureusement, il n’avait trouvé personne. Les persiennes du petit hôtel au fond du jardin étaient fermées depuis quinze jours.

Le père Achille lui apprit que ces dames habitaient leurs campagnes respectives, où les deux associés allaient les rejoindre tous les soirs.

Fromont jeune avait quitté les magasins de très bonne heure, Risler aîné venait de partir.

Frantz se décida à parler au vieux Sigismond. Mais