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fera sentir ou par un redoublement d’économie, ou par quelque achat longtemps reculé que la gratification va rendre enfin possible.

Chez Fromont jeune et Risler aîné, Sigismond Planus est le dieu de la maison en ce moment, et son petit grillage un sanctuaire où veillent tous les commis. Dans le silence de la fabrique endormie, les lourdes pages des grands livres bruissent en tournant, des noms appelés à haute voix amènent des recherches dans d’autres registres. Les plumes grincent. Le vieux caissier, entouré de ses lieutenants, a l’air affairé et terrible. De temps en temps, Fromont jeune, au moment de monter en voiture, arrive, le cigare aux dents, ganté, tout près. Il marche lentement, sur la pointe des pieds, se penche au grillage :

– Eh bien !… ça marche ?…

Sigismond pousse un grognement, et le jeune maître de maison s’en va sans oser en demander davantage. Il devine bien à la mine du caissier que les nouvelles seront mauvaises. En effet, depuis les années de révolution où l’on se battait dans les cours de la fabrique, jamais si pitoyable inventaire ne s’était encore vu à la maison Fromont. Dépenses et recettes se balançaient. Les frais généraux avaient tout absorbé et, de plus, Fromont jeune se trouvait redevable envers la caisse de sommes importantes. Il fallait voir la mine consternée du vieux Planus quand, le 31 décembre, il monta rendre compte à Georges de ses opérations.

Celui-ci prit la chose très gaiement. Tout marcherait