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d’en arriver là… Ce malheureux Risler, il me fait tout de même pitié… Non ! le meilleur est encore d’avertir madame Chèbe… Vous en chargez-vous, ma sœur ?

La commission était dangereuse. Mademoiselle Planus fit quelques difficultés ; mais elle n’avait jamais su résister aux volontés de son frère, et le désir d’être utile à leur vieil ami Risler acheva de la décider.

Grâce à la bonhomie de son gendre, M. Chèbe était parvenu à réaliser sa nouvelle fantaisie. Depuis trois mois il habitait son fameux magasin de la rue du Mail, et c’était un étonnement pour le quartier que cette boutique sans marchandises, dont les volets s’ouvraient le matin pour se fermer à la nuit, comme les maisons de gros. On avait installé des rayons tout autour, un comptoir neuf, un coffre-fort à secret, de grandes balances. Bref, M. Chèbe possédait tous les éléments d’un commerce quelconque, sans savoir précisément encore lequel il choisirait.

Il y pensait tout le jour en se promenant de long en large à travers le local encombré de plusieurs gros meubles de chambre à coucher qui n’avaient pas pu entrer dans l’arrière-boutique ; il y pensait aussi sur le pas de sa porte, lorsque tout debout, une plume à l’oreille, le petit homme se plongeait avec délices dans le brouhaha du commerce parisien. Les commis qui passaient, leurs carnets d’échantillons sous le bras, les camions des messageries, les omnibus, les porte-faix, les brouettes, le grand déballage des marchandises, aux portes voisines, ces paquets d’étoffes, de passementeries, qui frôlaient la boue du ruisseau avant d’entrer