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de voir en toute chose l’influence pernicieuse de la femme. Pourtant les paroles de Planus lui revenaient quelquefois à l’esprit, surtout le soir, dans ses moments de solitude, quand Sidonie, partant au théâtre avec madame Dobson, s’en allait après tout le train de sa toilette, laissant l’appartement bien vide sitôt que sa longue traîne avait passé le seuil. Des bougies brûlaient devant les glaces ; des menus objets de toilette dispersés, abandonnés, disaient les caprices extravagants et les dépenses exagérées. Risler ne voyait rien de tout cela, seulement, quand il entendait la voiture de Georges rouler dans la cour, il éprouvait comme une impression de malaise et de froid en pensant qu’à l’étage au-dessous madame Fromont passait ses soirées toute seule. Pauvre femme. Si c’était vrai pourtant ce que disait Planus… Si Georges avait un ménage en ville… Oh ! ce serait affreux.

Alors, au lieu de se mettre au travail, il descendait doucement demander si madame était visible, et croyait de son devoir de lui tenir compagnie.

La fillette était déjà couchée ; mais le petit bonnet, les souliers bleus traînaient encore devant le feu avec quelques jouets. Claire lisait ou travaillait, ayant à côté d’elle sa mère silencieuse, toujours en train de frotter, d’épousseter fiévreusement, s’épuisant à souffler sur le boîtier de sa montre, et dix fois de suite, avec cet entêtement des manies qui commencent, remettant le même objet à la même place, d’un petit geste nerveux. Le brave Risler, lui non plus, n’était pas une compagnie bien égayante ; mais cela n’empêchait pas la jeune femme de l’accueillir