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moindres coins où ils avaient joué ensemble. Elle éprouvait une satisfaction tranquille, ce plein bonheur des vies calmes qui se savoure en silence, et tout le jour ses longs peignoirs traînaient sur les allées, ralentis par les petits pas de l’enfant, ses cris, ses exigences.

Sidonie se joignait peu à ces promenades maternelles. Elle disait que le bruit des enfants la fatiguait, et en cela se trouvait d’accord avec le vieux Gardinois pour qui tout était prétexte à contrarier sa petite-fille. Il croyait y arriver en ne s’occupant que de Sidonie et lui faisant encore plus de fêtes qu’à son dernier séjour. Les voitures enfouies depuis deux ans sous la remise, et qu’on époussetait une fois par semaine parce que les araignées filaient leurs toiles sur les coussins de soie, furent mises à sa disposition. On attelait trois fois par jour, et la grille tournait sur ses gonds continuellement. Tout dans la maison suivit cette impulsion mondaine. Le jardinier soignait mieux les fleurs, parce que madame Risler choisissait les plus belles pour mettre dans ses cheveux à l’heure du dîner ; puis il venait des visites. On organisait des goûters, des parties que madame Fromont jeune présidait, mais où Sidonie, avec sa vive allure, brillait sans partage. D’ailleurs Claire lui laissait souvent la place libre. L’enfant avait des heures de sommeil et de promenade, qu’aucun plaisir n’entravait jamais. La mère s’éloignait forcément, et mémo le soir elle était bien des fois privée d’aller avec Sidonie au-devant des deux associés revenant de Paris.

– Tu m’excuseras, disait-elle, en montant dans sa chambre.