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molle, sans ressort, assez intelligente pour se connaître, trop faible pour se diriger. Le soir du mariage de Risler, marié lui-même depuis quelques mois à peine, il avait retrouvé auprès de cette femme toute l’émotion des soirs orageux de Savigny. Dès lors, sans s’en rendre bien compte, il évita de la revoir, de parler d’elle. Malheureusement, comme ils habitaient la même maison, que les femmes se visitaient dix fois par jour, le hasard des rencontres les mettait en présence ; et il se passa cette chose singulière que ce mari, voulant rester honnête, désertait tout à fait son ménage et cherchait des distractions dehors.

Claire voyait cela sans étonnement. Elle avait été habituée par son père à ce perpétuel « en l’air » de la vie de commerce : et pendant ces absences, toute zélée dans ses devoirs de femme et de mère, elle s’inventait de longues tâches, des travaux de toutes sortes, des promenades pour l’enfant, des stations au soleil prolongées et calmes, dont elle revenait ravie des progrès de la fillette, pénétrée des joies et des rires des tout petits en plein air, avec un peu de leur rayonnement au fond de ses yeux sérieux.

Sidonie sortait aussi beaucoup. Souvent, vers la nuit, la voiture de Georges, qui passait le portail, faisait se ranger vivement madame Risler en superbe toilette, rentrant après de grandes courses dans Paris. Le boulevard, les étalages, des emplettes longuement choisies comme pour savourer le plaisir nouveau d’acheter, la tenaient très tard hors de chez elle. On échangeait un salut, un froid regard au détour de l’escalier ; et Georges