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paradis entrevu et refermé tout de suite si brutalement.

Ils attendirent encore quelque temps, immobiles à la même place, les yeux toujours cloués sur cette poterne où leur enfant venait de disparaître. Enfin l’homme se secoua, fit un demi-tour, toussa deux ou trois coups d’un air très brave, et sa voix une fois bien assurée :

« Allons ! la mère, en route ! » dit-il tout haut et fort gaillardement. Là-dessus il nous fit un grand salut et prit le bras de sa femme… Je les suivis de l’œil jusqu’au tournant de la route. Le père avait l’air furieux. Il brandissait le cabas avec des gestes désespérés… La mère, elle, paraissait calme. Elle marchait à ses côtés, la tête basse, les bras au corps. Mais par moments, sur ses épaules étroites, je croyais voir son châle frissonner convulsivement.


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