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C’était lui !

Quand il parut, la façade du fort en fut tout illuminée.

Un grand beau garçon, ma foi ! bien planté, sac au dos, fusil au poing… Il les aborda, le visage ouvert, d’une voix mâle et joyeuse :

« Bonjour, maman. »

Et tout de suite, sac, couverture, chassepot, tout disparut dans le grand chapeau cabriolet. Ensuite le père eut son tour, mais ce ne fut pas long. Le cabriolet voulait tout pour lui. Il était insatiable…

« Comment vas-tu ?… Es-tu bien couvert ?…

Où en es-tu de ton linge ? »

Et, sous les ruches de la capote, je sentais le long regard d’amour dont elle l’enveloppait des pieds à la tête, dans une pluie de baisers, de larmes, de petits rires ; un arriéré de trois mois de tendresse maternelle qu’elle lui payait tout en une fois. Le père était très ému, lui aussi, mais il ne voulait pas en avoir l’air. Il comprenait que nous le regardions et clignait de l’œil de notre côté comme pour nous dire :

« Excusez-la… c’est une femme. »

Si je l’excusais !

Une sonnerie de clairon vint souffler subitement sur cette belle joie.

« On rappelle… dit l’enfant. Il faut que je m’en aille.