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Il était si heureux, le soir, après la classe, quand le petit venait le prendre et qu’ils faisaient tous deux le tour des allées, s’arrêtant à chaque banc pour saluer les habitués, répondre à leurs bonnes manières.

Avec le siège, malheureusement tout changea. Le square du père Stenne fut fermé, on y mit du pétrole, et le pauvre homme, obligé à une surveillance incessante, passait sa vie dans les massifs déserts et bouleversés, seul, sans fumer, n’ayant plus son garçon que le soir, bien tard, à la maison. Aussi il fallait voir sa moustache, quand il parlait des Prussiens… Le petit Stenne, lui, ne se plaignait pas trop de cette nouvelle vie.

Un siège ! C’est si amusant pour les gamins. Plus d’école ! plus de mutuelle ! Des vacances tout le temps, et la rue comme un champ de foire…

L’enfant restait dehors jusqu’au soir, à courir. Il accompagnait les bataillons du quartier qui allaient au rempart, choisissant de préférence ceux qui avaient une bonne musique ; et là-dessus, le petit Stenne était très ferré. Il vous disait fort bien que celle du 96e ne valait pas grand’chose, mais qu’au 55e ils en avaient une excellente. D’autres fois, il regardait les mobiles faire l’exercice ; puis il y avait les queues…