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des îles que le Midi lui envoyait dans un rayon, son cœur s’est ému de pitié ; et comme il pensait bien que le froid ne ferait qu’une bouchée de la fillette et de ses colibris, il a vite allumé un gros soleil jaune et s’est habillé d’été pour les recevoir… La créole s’y est trompée ; elle a pris cette chaleur du Nord, brutale et lourde, pour une chaleur de durée, cette éternelle verdure noire pour de la verdure de printemps, et, suspendant son hamac au fond du parc entre deux sapins, tout le jour elle s’évente, elle se balance.

« Mais il fait très chaud dans le Nord », dit-elle en riant. Pourtant quelque chose l’inquiète. Pourquoi, dans cet étrange pays, les maisons n’ont-elles pas de vérandas ? Pourquoi ces murs épais, ces tapis, ces lourdes tentures ? Ces gros poêles en faïence, et ces grands tas de bois qu’on empile dans les cours, et ces peaux de renards bleus, ces manteaux doublés, ces fourrures qui dorment au fond des armoires ; à quoi tout cela peut-il servir ?… Pauvre petite, elle va le savoir bientôt.

Un matin, en s’éveillant, la petite créole se sent prise d’un grand frisson. Le soleil a disparu, et du ciel noir et bas, qui semble dans la nuit s’être rapproché de la terre, il tombe par flocons une peluche blanche et silencieuse comme sous les cotonniers… Voilà l’hiver,