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la chambre parfumée et chaude jusqu’à son retour.

Oh ! la bonne odeur de soupe au fromage !…

À voir la netteté de ce logement de garçon, je m’imagine un employé, un de ces êtres minutieux qui installent dans toute leur vie l’exactitude de l’heure du bureau et l’ordre des cartons étiquetés. Pour rentrer si tard, il doit avoir un service de nuit à la poste ou au télégraphe. Je le vois d’ici, derrière un grillage, en manches de lustrine et calotte de velours, triant, timbrant des lettres, dévidant les banderoles bleues des dépêches, préparant à Paris qui dort ou qui s’amuse toutes ses affaires de demain… Eh bien, non ! Ce n’est pas cela. Voici qu’en furetant dans la chambre, la petite lueur du foyer vient éclairer de grandes photographies accrochées au mur. Aussitôt l’on voit sortir de l’ombre, encadrés d’or et majestueusement drapés, l’empereur Auguste, Mahomet, Félix, chevalier romain, gouverneur d’Arménie, des couronnes, des casques, des tiares, des rubans, et sous ces coiffures différentes, toujours la même tête solennelle et droite, la tête du maître de céans, l’heureux seigneur pour qui cette soupe embaumée mijote et bout doucement sur la cendre chaude…

Oh ! la bonne odeur de soupe au fromage !…