Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans ce quartier de spéculateurs où l’on sent comme la hâte et la fièvre des jeux de hasard, cela me donnait le frisson d’une histoire de naufrage racontée en pleine mer. Je voyais réellement tout ce que cet homme me disait, ses catastrophes sur d’autres visages, et ses espoirs rayonnants dans d’autres yeux égarés. Il me quitta brusquement, comme il m’avait abordé, jeté à corps perdu dans ce tourbillon de folies, de rêves, de mensonges, ce que ces gens-là appellent d’un ton sérieux : « les affaires ».

Au bout de cinq minutes, je l’avais oublié, mais le soir, rentré chez moi, quand je secouai avec la poussière des rues toutes les tristesses de la journée, je revis cette figure tourmentée et pâle, le petit pain d’un sou, et le geste qui soulignait ces paroles fastueuses : « Avec trois cent mille francs que m’a promis Girardin !… »

Séparateur