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tres, des gens accroupis sur le trottoir qui ont l’air d’attendre, et, comme aux grilles des hospices et des squares, des éventaires étalés, avec des rangées de biscuits, d’oranges, de pommes. Oh ! les belles pommes si fraîches, si rouges sous la buée !… Il en remplit ses poches, en souriant à la marchande qui grelotte, les pieds sur sa chaufferette ; ensuite il pousse une porte dans le brouillard, traverse une petite cour où stationne une charrette attelée.

« Est-ce qu’il a quelque chose pour nous ? » demande-t-il en passant. Un charretier, tout ruisselant, lui répond :

« Oui, monsieur, et même quelque chose de gentil. »

Alors il entre vite dans son bureau.

C’est là qu’il fait chaud, et qu’on est bien ! Le poêle ronfle dans un coin. La chancelière est à sa place. Son petit fauteuil l’attend, bien au jour, près de la fenêtre. Le brouillard en rideau sur les vitres fait une lumière unie et douce, et les grands livres à dos vert s’alignent correctement sur leurs casiers. Un vrai cabinet de notaire.

L’homme respire ; il est chez lui.

Avant de se mettre à l’ouvrage, il ouvre une grande armoire, en tire des manches de lustrine qu’il passe soigneusement, un petit plat de terre rouge, des morceaux de sucre qui viennent