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c’était toujours le même village, mais avec le grand silence des après-midi d’été, rien qu’un bourdonnement d’abeilles qui montaient en suivant les branches grimpantes jusqu’au faîte des chalets, et la mélopée traînante de l’école. Parfois, tout au bout du pays, un petit coin non plus de village, mais de province, une maison blanche à deux étages avec une plaque d’assurance toute neuve et reluisante, des panonceaux de notaire ou une sonnette de médecin. En passant on entendait une valse au piano, un air un peu vieilli tombant des persiennes vertes sur la route ensoleillée. Plus tard, au crépuscule, les bestiaux rentraient, on revenait des filatures. Beaucoup de bruit, de mouvement. Tout le monde sur les portes, des bandes de petits blondins dans la rue, et les vitres allumées par un grand rayon du couchant, venu on ne sait d’où…

Ce que je me rappelle encore avec bonheur, c’est le village alsacien, le dimanche matin, à l’heure des offices ; les rues désertes, les maisons vides avec quelques vieux qui se chauffent au soleil devant leur porte ; l’église pleine, les vitraux colorés par ces jolis tons mourants et roses qu’ont les cierges au grand jour, le plain-chant entendu par bouffées au passage, et un enfant de chœur en soutane écarlate traversant lestement la place, tête nue, l’encen-