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« drapeau frrançais… » Je me dis : « Voilà Chauvin ! »

C’était Chauvin, en effet, et Chauvin dans son beau, déclamant, gesticulant, souffletant la Prusse avec son journal, entrant à Berlin, la canne haute, ivre, sourd, aveugle, fou furieux. Pas d’atermoiement, pas de conciliation possible. La guerre ! il lui fallait la guerre à tout prix !

« Et si nous ne sommes pas prêts, Chauvin ?…

— Monsieur, les Français sont toujours prêts !… » répondait Chauvin en se redressant, et sous sa moustache hérissée, les rr se précipitaient à faire trembler les vitres… Irritant et sot personnage ! Comme je compris toutes les moqueries, toutes les chansons qui vieillissent autour de son nom et lui ont fait une célébrité ridicule !

Après cette première rencontre, je m’étais bien juré de le fuir ; mais une fatalité singulière le mit presque constamment sur mon chemin. D’abord au Sénat, le jour où M. de Grammont vint annoncer solennellement à nos pères conscrits que la guerre était déclarée. Au milieu de toutes ces acclamations chevrotantes, un formidable cri de « Vive la France ! » partit des tribunes, et j’aperçus là-haut, dans les frises, les grands bras de Chauvin qui