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LE PUNCH D’ADIEU


Pas besoin de dire si le général était penaud en retournant à Tarascon. Mais voici bien une autre histoire. Est-ce qu’en son absence les Tarasconnais ne s’étaient pas avisés d’organiser un punch d’adieu par souscription pour les lapins qui allaient partir ! Le brave général Bravida eut beau dire que ce n’était pas la peine, que personne ne partirait, le punch était souscrit, commandé; il ne restait plus qu’à le boire, et c’est ce qu’on fit… Donc, un dimanche soir, cette touchante cérémonie du punch d’adieu eut lieu dans les salons de la mairie et, jusqu’au petit jour blanc, les toasts, les vivats, les discours, les chants patriotiques firent trembler les vitres municipales. Chacun, bien entendu, savait à quoi s’en tenir sur ce punch d’adieu ; les gardes nationaux de choux qui le payaient, avaient la ferme conviction que leurs camarades ne partiraient pas, et ceux de garenne qui le buvaient, avaient aussi cette conviction, et le vénérable adjoint, qui vint d’une voix émue jurer à tous ces braves qu’il