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LES ROIS EN EXIL

raisonnés. Ainsi le bruit d’une détonation à la lisière du bois, la première entendue depuis l’accident, lui causait presque une attaque d’épilepsie. La première fois aussi où on lui parla de monter sur le poney, il se mit à trembler de tout son corps.

— Non… non… Je vous en prie, disait-il en se serrant contre Fredérique… Prenez-moi dans le landau avec vous… J’ai trop peur…

— Peur de quoi ?

— J’ai peur… bien peur…

Ni raisonnements, ni prières, rien n’y faisait.

— Allons, commanda la reine avec un mouvement de sourde colère, attelez le landau.

C’était un beau dimanche de la fin de l’automne, rappelant ce dimanche de mai où ils étaient allés à Vincennes. Au contraire de ce jour-là, Frédérique était excédée de la foule roturière répandue par les allées et les pelouses. Cette gaieté en plein air, ces odeurs de victuailles l’écœuraient. Maintenant la misère, la tristesse, sortaient pour elle de tous ces groupes, malgré les rires et les vêtements de fête. L’enfant, essayant de dérider le beau visage dont il s’attribuait l’expression désenchantée, entourait sa mère de câlineries passionnées et timides.

— Vous m’en voulez, maman, de n’avoir pas pris le poney ?

Non, elle ne lui en voulait pas. Mais com-