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LES ROIS EN EXIL

étant mort, complètement mort, sans espoir de revie, cette claustration devenait inutile. Il s’en tira par une des phrases vagues dont la pitié de ces gens a le secret. La reine ne comprit pas et personne auprès d’elle n’eut la force de lui apprendre la vérité. On attendait le Père Alphée, la religion ayant le privilège de toutes les blessures, même de celles qu’elle ne peut guérir. Avec sa brutalité, ses rudesses d’accent, le moine, qui se servait de la parole de Dieu comme d’un gourdin, dirigea ce coup terrible sous lequel devaient fléchir tous les orgueils de Frédérique. La mère avait souffert le jour de l’accident, atteinte dans ses fibres tendres par les cris, l’évanouissement, le sang du pauvre petit qui coulait. Cette seconde douleur s’adressait plus directement à la reine. Son fils estropié, défiguré ! Elle qui le voulait si beau pour le triomphe, amener aux Illyriens cet infirme ! Elle ne pardonnait pas au médecin de l’avoir trompée. Ainsi, même en exil, les rois seraient toujours victimes de leur grandeur et de la lâcheté humaine !

Afin d’éviter le passage trop brusque de l’obscurité à la lumière, on avait tendu sur les croisées des serges vertes ; puis les fenêtres se rouvrirent franchement, et quand les acteurs de ce triste drame purent se regarder au plein jour, ce fut pour apprécier les changements survenus pendant la réclusion. Frédérique avait