Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la main du petit prince serre celle de sa mère qui le rassure de la même façon éloquente et muette : « Non, non, n’ayez pas peur… je ne vous quitterai pas… » Elle échange quelques mots froidement avec son mari, puis l’abandonne à ses réflexions sinistres.

L’accident arrivé à son fils complète pour Christian une vraie série à la noire. Il se sent seul au monde, désespéré, abasourdi. Ah ! si sa femme voulait le reprendre… Il éprouve ce besoin des faibles dans le malheur de se serrer contre quelqu’un, de poser la tête contre une poitrine amie pour se soulager par des larmes, par des aveux, et retourner ensuite plus légèrement à de nouvelles fêtes, à de nouvelles trahisons. Mais le cœur de Frédérique est à jamais perdu pour lui ; et voici que l’enfant à son tour se détourne de ses caresses. Il se dit tout cela, debout au pied du lit, dans la nuit de la chambre noire, pendant que la reine, attentive aux minutes, prend la glace dans une coupe, l’appuie sur le bandeau mouillé, relève et baise le petit front malade pour en tâter la tiédeur, et que madame de Silvis raconte gravement l’histoire des trois petits pains d’or au légitime souverain des royaumes d’Illyrie et de Dalmatie.

Sans qu’on remarque plus sa sortie que son entrée, Christian sort de la chambre, erre mélancoliquement à travers la maison silen-