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LES ROIS EN EXIL

faciales d’un de ces Uscoques, oiseaux de rapine et de tempête, anciens écumeurs des mers latines. Fils d’un pêcheur du port de Zara, élevé à la Marine dans le goudron et les filets, il avait été recueilli un jour par les Franciscains pour sa jolie voix, de moussaillon passa enfant de chœur, grandit au couvent et fut un des chefs de la congrégation ; mais il lui était resté des fougues de matelot et du hâle de mer sur son épiderme que la fraîcheur des pierres claustrales n’avait jamais pu blanchir. Du reste point bigot ni méticuleux, pouvant faire au besoin sa partie de couteau (cotellata) pour le bon motif ; le moine qui, lorsque la politique pressait, dépêchait en bloc le matin toutes les oraisons de la journée, même celles du lendemain, « afin de s’avancer… », disait-il sérieusement. Entier dans ses affections comme dans ses haines, il avait voué une admiration sans bornes au précepteur introduit par lui dans la maison. Aussi au premier aveu de la reine sur ses troubles, ses scrupules, il feignit de ne pas comprendre ; puis, voyant qu’elle insistait, il s’emporta, lui parla durement comme à une pénitente ordinaire, à quelque riche passementière de Raguse.

N’avait-elle pas honte de mêler de pareils enfantillages à une aussi noble cause ? De quoi se plaignait-elle ? Lui avait-on jamais manqué