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ce mélange de sentiments maternels, les vieux noëls de son pays où la Vierge chante en berçant Jésus dans son étable : Je suis votre servante, et vous êtes mon Dieu.

Quelques mois se passèrent ainsi, toute une saison d’hiver pendant laquelle la reine ne sentit qu’une ombre à sa joie, à son ciel enfin devenu pur. Et c’est Méraut qui, bien inconsciemment, en fut la cause. À rêver tous deux le même rêve, à mêler leurs regards et leurs âmes, à marcher ensemble au même but étroitement serrés, ils avaient établi entre eux une familiarité, une communauté de pensée et de vie qui tout à coup gêna Frédérique, sans qu’elle pût définir pourquoi. Seule avec lui, elle ne s’abandonnait plus comme autrefois, s’effrayait de la place que cet étranger tenait dans ses décisions les plus intimes. Devinait-elle les sentiments qui l’agitaient, cette ardeur couvant si près d’elle, plus envahissante et dangereuse de jour en jour ? Une femme ne s’y trompe pas. Elle aurait voulu s’abriter, se reprendre ; mais comment ? Dans son trouble, elle eut recours au guide, au conseil de l’épouse catholique, au confesseur.

Quand il ne courait pas la campagne pour sa propagande royaliste, c’était le Père Alphée qui dirigeait la reine. À voir l’homme, on le connaissait. Il y avait dans ce prêtre illyrien à mine de forban le sang, l’allure, les lignes