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se coucher dans un fauteuil, pendant qu’on lisait pour lui ou qu’on lui racontait des histoires, ce besoin d’écouter, de vivre de la pensée des autres, se changea en une activité que ne contentaient plus les jeux de son âge. Il fallut que le vieux général de Rosen, tout perclus et courbaturé, retrouvât des forces pour lui donner ses premières leçons d’escrime, de tir, d’équitation ; et rien n’était plus touchant que de voir, tous les matins à neuf heures, dans une clairière du parc élargie en arène, l’ancien pandour, en habit bleu, la cravache au poing, faire ses fonctions d’écuyer avec l’air d’un vieux Franconi, toujours respectueux envers le roi, tout en redressant les bévues de l’élève. Le petit Léopold trottait, galopait, sérieux et fier, attentif aux moindres ordres, tandis que la reine regardait du haut du perron, jetait une observation, un conseil : « Tenez-vous droit, sire… rendez la main. » Et quelquefois, pour mieux se faire comprendre, l’écuyère s’élançait, joignait le geste aux paroles. Comme elle fut heureuse le jour où, sa jument réglant son pas sur le poney du prince, tous les deux s’aventurèrent dans le bois voisin, la silhouette de l’enfant dominée par l’amazone qui, loin de sentir des craintes de mère, enlevait les deux bêtes d’un élan vigoureux, montrait la route à son fils, l’entraînait jusqu’à Joinville dans une course à fond ! En elle aussi