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LES ROIS EN EXIL

Witold, Wilhelmine si c’était une fille, mais bien certainement son nom commencerait par un W, parce que c’est une lettre aristocratique, jolie à enlacer sur le linge.

Elle expliquait ses projets à madame de Silvis, quand la porte s’ouvrit toute grande pour l’annonce, précédée d’un coup de hallebarde, des prince et princesse de Trébigne, de Soris, duc de Sangiorgio, duchesse de Mélida, comtes Pozzo, de Miremont, de Véliko… On eût dit une liste proclamée à haute voix, renvoyée par un écho sonore de la plage ensanglantée, de toutes les jeunes victimes tombées à Gravosa. Et le plus terrible, ce qui allait donner à la cérémonie un aspect fatal et funèbre malgré les précautions prises, la livrée somptueuse, les tentures d’apparat, c’est que tous les arrivants étaient en grand deuil eux aussi, vêtus de noir, gantés de noir, engoncés de ces étoffes laineuses si tristes au regard, qui emprisonnent chez les femmes l’allure et le geste : deuils de vieillards, de pères et de mères, plus sombres, plus navrants, plus injustes à porter que les autres. Beaucoup de ces malheureux sortaient pour la première fois depuis la catastrophe, arrachés à leur solitude, à leur réclusion, par le dévouement à la dynastie. Ils se redressaient pour entrer, appelaient à eux tout leur courage ; mais en se regardant les uns et les autres, miroirs sinistres d’une même