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— Que dit la reine de ce projet d’abdication ?… Lui en avez-vous parlé ?

— La reine pense comme moi, sire.

— Ah ! fit-il sèchement avec un léger tressaut.

Bizarrerie de l’être humain ! Cette femme qu’il n’aimait pas, dont il craignait la froideur méfiante et le clair regard, cette femme qu’il accusait de l’avoir trop traité en roi, assommé du perpétuel rappel de ses devoirs et de ses prérogatives, il lui en voulait maintenant de ne plus croire en lui, de l’abandonner au profit de l’enfant. Il en sentait non pas une blessure d’amour, un de ces coups au cœur qui font crier, mais le froid d’une trahison d’ami, d’une confiance perdue.

— Et toi, Boscovich, qu’est-ce que tu en penses ? dit-il tout à coup en se tournant vers son conseiller dont le glabre visage anxieux suivait convulsivement la mimique de celui du maître.

Le botaniste eut un geste léger de pantomime italienne, les bras ouverts, la tête dans les épaules, un muet « chi lo sa ? » si craintif, si peu compromettant, que le roi ne put s’empêcher de rire.

— De l’avis de notre Conseil entendu, nasilla-t-il railleusement, nous abdiquerons quand on voudra.

Là-dessus, Sa Majesté se remit à pousser les