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trouva chez le préfet un intérieur vraiment parisien, une femme charmante, très bonne musicienne, qui, le dîner fini, après une conversation où l’on passa en revue tous les sujets du jour, se mit au piano et feuilleta des partitions récentes. Elle avait une jolie voix, chantait fort agréablement, et peu à peu Christian se rapprocha d’elle, parla musique et opéra. Les Échos d’Illyrie traînaient sur la tablette, entre la Reine de Saba et la Jolie Parfumeuse. La préfète demanda au roi de lui indiquer le mouvement, la couleur des chants de son pays. Christian II fredonna quelques airs populaires : « Beaux yeux, bleus comme un ciel d’été… » et encore, «  Jeunes filles qui m’écoutez en tressant des nattes… »

Et tandis qu’appuyé au piano, pâle, séduisant, il prenait des intonations et des poses mélancoliques d’exilé, là-bas sur la mer illyrienne dont les Echos chantaient les flots ourlés de neige et les rives dentelées de cactus, une belle et enthousiaste jeunesse, que Lebeau avait négligé de prévenir, cinglait joyeusement vers la mort, au cri de : « Vive Christian II ! »