Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
364
LES ROIS EN EXIL

du bord, l’autre de la terre… Vous voyez que nous sommes bien renseignés… On l’est de même à Raguse ; et je vous évite un vrai guet-apens.

Christian II, atterré, se demandait qui avait pu livrer ainsi des informations connues de lui seul, de la reine, de Hézeta, et d’une autre qu’il était certes bien loin de soupçonner. Le préfet souriait dans sa barbe blonde :

— Allons, monseigneur, il faut en prendre votre parti. C’est une affaire manquée. Vous serez plus heureux une autre fois, et plus prudent aussi… Maintenant je supplie Votre Majesté d’accepter l’abri que je lui offre à la préfecture. Partout ailleurs elle serait en butte à des curiosités gênantes. L’affaire est connue dans la ville…

Christian ne répondit pas tout de suite. Il regardait cette petite pièce d’administration, remplie par un fauteuil vert, des cartons verts, un poêle en faïence, de grandes cartes sillonnées des lignes des trains, ce coin misérablement bourgeois où venaient échouer son rêve héroïque et les derniers échos de la marche de Rodoïtza. C’était comme un voyageur en ballon, parti pour plus haut que les cimes et descendant presque sur place dans une hutte de paysans, le pauvre aérostat dégonflé, en paquet de toile gommée, sous un toit d’écurie.

Il finit pourtant par accepter l’invitation,