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LES ROIS EN EXIL

bés sur un soir d’été de petite ville, aux rares lumières, bruissant de causeries devant les portes et de promeneurs bientôt dispersés à la retraite des tambours et des clairons ! Que de baisers, que de folies, de passionnés serments allant rejoindre les baisers et les serments de la nuit précédente dans la banalité des courtines ! Suavement brisés, serrés l’un contre l’autre, ils écoutaient leurs cœurs battre à grands coups, tandis que le vent tiède agitait leurs rideaux après avoir murmuré dans les arbres et qu’un jet d’eau s’égrenait comme dans un patio arabe au milieu du jardinet de l’hôtel, où seule veillait rouge et tremblotante la lampe du bureau.

Une heure. Il faut partir. Christian le redoutait cet arrachement de la dernière minute, croyant qu’il aurait à lutter contre des prières et des caresses, qu’il devrait faire appel à tout son courage. Mais Séphora était prête avant lui, voulut l’accompagner jusqu’à la gare, moins soucieuse encore de son amour que de l’honneur de son royal amant… S’il avait pu entendre le « ouf » qu’elle poussa, la cruelle fille, lorsque, restée seule sur la voie, elle vit les deux yeux verts du train se perdre en serpentant ; s’il avait pu savoir combien elle était heureuse de venir finir sa nuit seule à l’hôtel, tandis que, secouée aux cahots de l’omnibus vide sur le vieux pavé de Fontainebleau, elle